Gaston Kelman

Présent au temps d'échange du 24/09/04

Gaston Kelman vit en France depuis vingt ans. Avec Je suis noir et je n'aime pas le manioc, il porte un regard lucide sur les Noirs qui se complaisent trop souvent dans un rôle de victimes et milite activement pour leur intégration.

Pourquoi avoir écrit ce livre et quel en est le but ?

Je voulais pousser un cri et soulever la polémique. L'objectif est de présenter une autre image du Noir en France. Qu'il comprenne que l'opinion par confusion le renvoie toujours à l'Afrique et en fait un éternel étranger.

Est-ce un constat personnel ou des anecdotes rapportées ?

Les deux, une recherche effectuée depuis une quinzaine d'années maintenant. Un essai aurait certainement moins d'impact que cette approche anecdotique. Césaire a voulu sortir de la stigmatisation. Le Noir aussi apporte sa part à la constitution du nouveau monde. Nos jeunes le font très bien avec leur musique, le Rap par exemple, en allant à la recherche d'une musique universelle.

Avec humour, vous dites que les Français ne sont pas encore prêt à la multi-racialité, mais paradoxalement, la France est riche en nationalités diverses.

Je pense qu'après les USA, la France est le plus grand pays racial. C'est bien l'un des seuls composants de la France qui soit reconnu. Les latins disaient qu'il faut châtier les mœurs par les rires. Plus la situation est lourde et délicate, et mieux vaut l'aborder avec une certaine bonne humeur pour qu'elle puisse être acceptée par tous. Mais inférioriser l'autre sur des fondements comme la couleur de la peau, je refuse, c'est inacceptable, bestial, ridicule et mesquin.

En tant qu'homme noir, vous ne vous positionnez pas en victime, quand vous dites : "Je suis Noir et je n'en suis pas fier", ne pensez-vous pas froisser une partie de la communauté noire ?

Non, il fallait que j'interpelle le lecteur et les médias. Je veux rassurer les jeunes, si j'ai ce ton aujourd'hui, je ne l'ai pas toujours eu. J'ai pu acquérir une certaine sérénité de père et d'adulte qui me permet d'avoir ce langage. La société dois faire tomber les œillères et les boules auditives qui empêchent la place de la multiracialité française. Elle doit être à l'écoute de la misère assourdissante des enfants Black-Blanc-Beur. Ils ne veulent pas être enfermés dans des catégories nourries, et pourries par des générations d'adultes.

Pensez-vous alors qu'un jour un Noir pourra être Noir et Français ?

Je cite : un Blanc disait, comment peut-on être Noir et Français ? Pour lui, le Français est blanc. Un Antillais disait, même en vivant cinquante ans en France, je ne serais jamais Français. Il faut que chacun revendique plutôt sa citoyenneté. Mon livre est donc un chant d'espoir. Je veux qu'on foute la paix aux enfants et qu'on les laisse tranquilles, qu'on les libère de nos angoisses d'adultes. Je définis la place grandiose que peut et doit jouer le Noir dans la conquête universelle.

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